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Le Droit International Humanitaire
06.08.2025 |

Hiroshima et Nagasaki, 80 ans après : Pour que l’Histoire ne se répète pas

Il y a 80 ans, Hiroshima et Nagasaki entraient tragiquement dans l’Histoire. Aujourd’hui encore, les armes nucléaires continuent de représenter l’une des plus grandes menaces pour l’humanité et l’environnement par leurs effets directs et indirects, immédiats et à long terme.

Face à cette menace, le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge a renforcé sa position : les armes nucléaires, par leur nature incontrôlable et leurs effets dévastateurs, sont incompatibles avec le droit international humanitaire (DIH).

En 2022, un nouveau plan d’action a été adopté. En 2024, la Croix-Rouge de Belgique a contribué à l’organisation de la NUKE EXPO, conférence internationale réunissant représentants d’États et d’organisations internationales, experts, jeunes, témoins et acteurs de la société civile pour repenser la mobilisation en faveur d’un monde sans armes nucléaires.

Alors que les tensions géopolitiques et les discours sur le recours potentiel aux armes nucléaires s’intensifient, notre devoir de mémoire s’accompagne d’un devoir d’action. Pour (re)découvrir l’engagement historique du Mouvement et le témoignage du Docteur Marcel Junod (chef de la délégation du CICR au Japon en 1945), comprendre les enjeux actuels et explorer les pistes d’action, consultez notre page spéciale 

Le jour où le monde a découvert l’arme nucléaire

Il y a 80 ans, l’humanité découvrait l’horreur nucléaire

Les 6 et 9 août 1945, les villes japonaises d’Hiroshima et de Nagasaki étaient pulvérisées par deux bombes atomiques. En quelques secondes, des dizaines de milliers de vies furent fauchées. Des centaines de milliers d’autres furent brisées à jamais. Les souffrances infligées à la population, les dégâts sur la santé humaine, les écosystèmes et les infrastructures, les stigmates sociaux et psychologiques, … Tout cela témoignait d’un basculement irréversible dans l’histoire de la guerre.

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), dont les équipes furent parmi les premières à porter secours aux survivants aux côtés de la Croix-Rouge japonaise, qualifia les conséquences de l’arme atomique de « catastrophiques et sans précédent ». Dès le 5 septembre 1945, le CICR a exprimé publiquement son souhait que les armes nucléaires soient interdites. Huit décennies plus tard, cette condamnation reste plus pertinente que jamais car les risques liés aux armes nucléaires n’ont pas disparu. Ils se sont transformés, multipliés, aggravés.

Prévenir l’irréparable : l’engagement du Mouvement

Depuis 1945, le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge n’a cessé d’alerter sur les dangers des armes nucléaires. Il appelle à leur interdiction totale, au nom des souffrances humaines incommensurables qu’elles infligent, mais aussi parce qu’aucune capacité de réponse humanitaire adéquate, même dans les systèmes les plus avancés, ne permettrait de faire face aux besoins des victimes d’une explosion d’une bombe nucléaire, même de capacité relativement « limitée ».

En 2022, le CICR a entièrement mis à jour sa doctrine sur la question afin d’intégrer les derniers développements et les études sur l’impact humanitaire de ces armes sur la santé et l’environnement sur la base notamment des témoignages des survivants des bombardements atomiques et des essais nucléaires. La même année, le Mouvement a adopté un nouveau plan d’action (2022–2027) pour la non-utilisation, l’interdiction et l’élimination des armes nucléaires afin d’intensifier ses efforts collectifs de sensibilisation et de plaidoyer.

Le renforcement de son positionnement s’appuie sur une prise de conscience lucide : tant qu’elles existent, les armes nucléaires peuvent être utilisées, que ce soit intentionnellement, accidentellement ou par erreur d’appréciation. Ce risque d’utilisation s’avère plus important dans le contexte international actuel au regard des facteurs suivants : la digitalisation croissante des systèmes de commande et de contrôle des armes nucléaires plus exposés aux cyberattaques, le renforcement du rôle de l’arme nucléaire dans les doctrines militaires et les politiques de sécurité, la modernisation de l’arsenal nucléaire dans plusieurs pays et l’émergence d’une nouvelle course aux armements, les tensions croissantes dans les relations internationales entre les Etats et surtout des discours alarmants plus nombreux sur le recours potentiel aux armes nucléaires traduisant une tendance inquiétante d’éloignement de l’objectif d’un monde sans armes nucléaires (voir l’évaluation annuelle du SIPRI sur l’état des armements, du désarmement et de la sécurité internationale publiée en juin 2025 et dont vous trouverez les informations principales ici).

Par ailleurs, de l’avis du Mouvement basé sur les études développées ces dernières années, il est « extrêmement improbable » que les armes nucléaires puissent un jour être utilisées d’une manière conforme aux principes et au règles de droit international humanitaire (DIH) que sont notamment les principes de distinction, proportionnalité et précaution. Dès lors, ce simple fait rend leur existence inacceptable.

Un plan d’action ambitieux pour 2022–2027

Le plan d’action 2022–2027, adopté lors du Conseil des Délégués du Mouvement, constitue sa feuille de route actuelle pour un monde sans armes nucléaires, fondée sur la diplomatie humanitaire et la sensibilisation de tous publics à travers notamment l’engagement citoyen, à la lumière du respect des règles du DIH et de l’impact humanitaire d’une détonation nucléaire.

Il engage les composantes du Mouvement (CICR, FICR et Sociétés nationales) à agir à la fois au niveau international et national, en étroite coopération avec les États et s’articule autour de deux grands axes d’intervention :

1. Appels aux États à des actions concrètes

Le Mouvement veille à ce que les États, selon qu’ils soient dotés ou non de l’arme nucléaire ou associés à ceux qui possèdent cette arme, prennent des mesures concrètes, notamment :

  • Signer, ratifier ou adhérer au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires de 2017 (TIAN), au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires de 1968 (TNP), au Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE), ainsi qu’aux traités régionaux établissant des zones exemptes d’armes nucléaires ;
  • Mettre en œuvre ces instruments pleinement et sans délai ;
  • Mettre en œuvre des politiques, des doctrines militaires, des efforts diplomatiques et des législations pour tenir compte des conséquences humanitaires de toute utilisation des armes nucléaires et de réduire leur rôle et leur importance sur le plan militaire et dans le domaine de la sécurité ;
  • Soutenir l’adoption de mesures visant à réduire les risques que les armes nucléaires soient utilisées intentionnellement, accidentellement ou par suite d’une erreur d’appréciation ;
  • Renoncer à la modernisation des arsenaux et freiner la nouvelle course aux armements ;
  • Approfondir le dialogue entre eux afin de favoriser une compréhension mutuelle et des synergies en vue de progresser vers l’objectif d’un monde sans armes nucléaires.

2. Mobilisation internationale et nationale du Mouvement

Le Plan d’action appelle également toutes les composantes du Mouvement à renforcer leurs actions de diplomatie humanitaire :

  • Au niveau international : en soutenant l’universalisation et la mise en œuvre du TIAN et des autres instruments relatifs aux armes nucléaires dont le TNP.
  • Au niveau national : en travaillant avec les autorités pour les sensibiliser à la problématique des armes nucléaires, promouvoir des politiques et doctrines militaires qui tiennent compte des conséquences humanitaires des armes nucléaires et des mesures visant à réduire les risques de leur utilisation, en mobilisant le public dont les jeunes en faveur d’un monde sans armes nucléaires, en partageant les témoignages des survivants des bombardements (hibakusha) et des essais nucléaires afin de mieux comprendre les conséquences humanitaires en intégrant ces expériences dans les activités de sensibilisation comme les programmes éducatifs, et en continuant d’inclure la question des armes nucléaires dans les formations en droit international humanitaire auprès des décideurs, des forces armées, des acteurs de la société civile et des institutions financières et des entreprises concernées.

Ce plan d’action réaffirme une conviction centrale : un monde sans armes nucléaires n’est pas une utopie, mais une nécessité impérieuse. À ce titre, il ne relève pas uniquement de la sphère diplomatique, mais constitue également un impératif juridique, éthique et humanitaire.

L’action de la Croix-Rouge de Belgique

Engagée de longue date dans la promotion du DIH, la Croix-Rouge de Belgique (CRB) soutient pleinement la position du Mouvement sur les armes nucléaires. Elle mène un travail constant de sensibilisation du public et des responsables politiques à la réalité des conséquences humanitaires de ces armes.

En 2022, la CRB publiait un article intitulé Un monde sans armes nucléaires, une utopie ?, qui analysait les enjeux et tensions liés à l’entrée en vigueur du TIAN en 2021 vis-à-vis du TNP. Depuis, elle a intensifié ses efforts, notamment par son implication dans des initiatives de sensibilisation et de diplomatie humanitaire.

Dans le respect de son rôle d’auxiliaire des pouvoirs publics dans le domaine humanitaire et de sa neutralité, la CRB a notamment renforcé son plaidoyer auprès des autorités belges. Lors de la 34e Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge en 2024, elle a renouvelé son engagement avec celles-ci sur l’impact humanitaire des armes nucléaires. Elle continuera ainsi à promouvoir l’adhésion universelle et la mise en œuvre par tous les Etats du TIAN et des autres traités de désarmement nucléaire. Elle soutiendra activement le développement de mesures de réduction des risques telles que celles visant à diminuer le rôle et l’importance des armes nucléaires dans tous les concepts, doctrines et politiques militaires et de sécurité. Elle encouragera la Belgique à approfondir le dialogue entre tous les États afin d’atteindre l’objectif d’un monde sans armes nucléaires.

Afin de soutenir de telles mesures dans le cadre de ses activités de diplomatie humanitaire, la CRB s’implique dans des initiatives de sensibilisation qui contribuent à développer une meilleure compréhension de l’impact humanitaire des armes nucléaires à l’instar de la Conférence NukeExpo organisée l’année dernière.

Nuke Expo : comprendre pour mieux agir

En avril 2024, la Croix-Rouge de Belgique (CRB) a coorganisé à Bruxelles, aux côtés de la Croix-Rouge norvégienne, du CICR et de Norwegian People’s Aid, la Nuke Expo, un évènement combinant un panel de discussions d’experts et de témoins et une exposition interactive sur les armes nucléaires, en particulier leurs risques et impacts humanitaires.

Cet événement pionnier, décliné ensuite à Oslo, a réuni des experts de tous horizons pour une série de débats, d’ateliers et d’expériences immersives. L’objectif : recentrer le débat nucléaire autour de ses conséquences concrètes sur les populations humaines et l’environnement, en rendant accessibles des thématiques complexes au grand public, aux décideurs politiques et aux jeunes générations. Au terme des différents échanges, il a pu être conclu qu’il n’existe actuellement pas de capacités de réponse opérationnelle pour répondre de manière adéquate aux besoins particulièrement étendus des victimes d’une explosion nucléaire au-dessus d’une ville comme Bruxelles, un constat qui confirme la position défendue par le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge depuis 1945.

La CRB a contribué activement à l’organisation de cette conférence et a participé à la rédaction du rapport officiel de la Nuke Expo. Ce rapport formule des recommandations qui appellent les gouvernements, les organisations internationales, les milieux académiques et la société civile à agir concrètement, notamment en intégrant pleinement les conséquences humanitaires dans les politiques et doctrines militaires, en développant davantage des études et recherches sur l’impact humanitaire des bombardements et essais nucléaires, en amplifiant la voix des survivants des bombardements nucléaires et des communautés affectées par les essais nucléaires, et en renforçant l’éducation et la sensibilisation autour des risques et impacts des armes nucléaires par une information plus accessible et compréhensible pour tous publics.

La conférence a également permis de tester des outils innovants, comme des cartes interactives, des simulations de zones contaminées ou encore des récits immersifs autour d’une frappe nucléaire dans une ville européenne. Ces formats ont permis d’illustrer, de façon tangible, que les armes atomiques ne sont ni abstraites, ni du passé. Elles constituent une menace réelle, omniprésente, aggravée par les tensions géopolitiques actuelles et les risques de prolifération.

Les conclusions et les recommandations ont en partie été reprises dans les interventions du Mouvement lors de la troisième réunion annuelle des Etats parties au TIAN, du 3 au 7 mars 2025 (ici) et à la troisième session du Comité préparatoire, du 28 avril au 9 mai 2025 (ici), pour la Conférence d’examen sur le TNP prévue en 2026.

Retrouvez ici notre article dédié à cet événement : Conférence « Nuke Expo » – Recentrer le débat sur les armes nucléaires autour de leurs conséquences humanitaires.

80 ans plus tard : commémorer et agir

À l’occasion des 80 ans des bombardements d’Hiroshima et Nagasaki, le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge appelle à faire de la mémoire un levier d’action. Commémorer ces événements, c’est aussi reconnaître que les conséquences humanitaires d’une utilisation des armes nucléaires seraient aujourd’hui encore inacceptables et impossibles à gérer.

Face aux risques persistants liés aux armes nucléaires, le Mouvement encourage un engagement renouvelé en faveur de leur élimination progressive, dans le respect du DIH. Son plan d’action 2022–2027 propose une feuille de route concrète fondée sur la diplomatie humanitaire, la sensibilisation du public et le soutien aux instruments juridiques existants.

Dans le cadre de cette commémoration, la CRB réitère l’appel du Mouvement aux États à maintenir la question des conséquences humanitaires de l’utilisation des armes nucléaires comme une priorité dans les réunions internationales. Les États sont incités à ne plus utiliser, à interdire effectivement et à éliminer totalement les armes nucléaires.

À cette fin, la CRB soutient l’appel aux Etats à adhérer ou ratifier le TIAN, le TNP et les autres traités pertinents de désarmement nucléaire, et à les mettre effectivement en œuvre. Des mesures de réduction des risques conformes aux engagements internationaux des États doivent aussi être mises en œuvre de toute urgence, comme la réduction du rôle et de l’importance des armes nucléaires dans les concepts, doctrines et politiques militaires et de sécurité, et la réduction des armes nucléaires en état d’alerte avancée.

D’autres mesures de réduction des risques peuvent aussi être envisagées telles que la poursuite de la sensibilisation aux conséquences humanitaires des armes nucléaires via une information accessible au public pour mieux en comprendre les enjeux, la conduite de nouvelles recherches sur leur impact humanitaire immédiat et sur le long terme (dont les effets disproportionnés des rayonnements ionisants sur les femmes et les filles) pour mieux éclairer les débats et les prises de décision, ainsi que la condamnation et la stigmatisation des menaces de l’utilisation des armes nucléaires.

Hiroshima et Nagasaki doivent rester les premiers – et les derniers – bombardements atomiques de l’histoire.

Consultez notre page spéciale :

Le jour où le monde a découvert l’arme nucléaire

Pour en savoir plus sur le plaidoyer de la Croix-Rouge de Belgique en matière d’armes nucléaires