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Le Droit International Humanitaire

Les mines antipersonnel : une interdiction plus que jamais nécessaire

©CICR, Getty Images

Le 4 avril marque la Journée internationale de sensibilisation au problème des mines et de l’assistance à la lutte antimines. Pour la Croix-Rouge de Belgique, cette date représente une occasion pour rappeler les ravages causés par ces armes et l’importance de leur interdiction.

Alors que la Convention d’Ottawa de 1997 a permis d’éliminer des millions de mines antipersonnel et de réduire considérablement leur production et leur usage depuis son entrée en vigueur en 1999, l’actualité récente remet en question ces avancées. Certains Etats parties ont annoncé leur retrait du traité afin de relancer la production de mines antipersonnel, invoquant des raisons sécuritaires. Une telle décision constitue une régression inquiétante qui menace directement la protection des civils et affaiblit les normes du droit international humanitaire.

Pourquoi interdire les mines antipersonnel ?

Les mines antipersonnel sont des engins conçus pour être placés sous ou sur le sol ou une autre surface et pour exploser du fait de la présence, de la proximité ou du contact d’une personne, causant la mort ou des blessures atroces et souvent irréversibles. Elles ne font pas de distinction entre combattants et civils, et continuent de tuer et de mutiler bien après la fin des conflits. En 2023, plus de 5 700 personnes ont été tuées ou blessées par des mines ou des restes explosifs de guerre, dont 84 % de civils et un tiers d’enfants parmi ceux-ci.

Au-delà des pertes humaines, les mines ont un impact socio-économique dramatique : elles rendent des terres agricoles inexploitables, entravent la reconstruction des infrastructures essentielles et pèsent sur les systèmes de santé en raison des soins complexes qu’elles nécessitent pour les victimes. Alors que près de 1.5 million de personnes sont porteuses d’un handicap causé par les mines et les restes explosifs de guerre, nombre d’entre elles doivent faire face à des coûts importants de soins de santé et sont confrontées à des obstacles pour accéder aux services essentiels.

Une convention plus que jamais pertinente

La Convention d’Ottawa interdit l’emploi, la production, le stockage et le transfert des mines antipersonnel en toutes circonstances. Depuis son entrée en vigueur, 94 États ont détruit plus de 55 millions de mines stockées et de nombreuses zones contaminées ont été nettoyées et sécurisées. Toutefois, plusieurs tendances préoccupantes menacent aujourd’hui son efficacité :

  • Une augmentation du nombre de victimes ces dernières années, en raison d’un usage croissant de mines, notamment improvisées, par des groupes armés.
  • Des justifications militaires réapparaissant pour envisager leur utilisation.
  • Un ralentissement du processus d’universalisation du traité.
  • Un retard persistant dans le nettoyage des zones contaminées.

Ces préoccupations confirment la nécessité de poursuivre la mise en œuvre rigoureuse de la Convention.

Un impact positif indéniable mais des acquis menacés

Malgré ces défis, la Convention a eu un effet significatif : elle a contribué à stigmatiser les mines antipersonnel et à encourager leur élimination progressive. Pourtant, le retrait annoncé d’États parties et leur intention de relancer la production de mines constituent un dangereux précédent. Si cette tendance se poursuit, les avancées réalisées au cours des dernières décennies pourraient être réduites à néant, exposant à nouveau des milliers de civils à un danger permanent et inacceptable.

Le retrait de la Convention d’Ottawa reviendrait ainsi à fragiliser ses normes acquises de longue date et par conséquent sa raison d’être : mettre fin aux souffrances inacceptables causées par les mines antipersonnel aux civils durant et après un conflit. Il encouragerait davantage les autres Etats parties à renoncer à leurs obligations en vertu de la Convention, mais aussi à celles prévues dans d’autres traités à caractère humanitaire interdisant certaines armes, en raison de l’insécurité générée par un conflit armé.

Au-delà de la remise en cause des normes de la Convention d’Ottawa, ce sont les principes mêmes du droit international humanitaire qui risquent d’être affaiblis alors que ces derniers ont été élaborés pour protéger les civils et les militaires hors de combat précisément lors des conflits armés. Plusieurs d’entre eux sous-tendent la Convention comme le principe général selon lequel le droit des parties à un conflit de choisir des moyens ou méthodes de guerre n’est pas illimité, et des principes plus spécifiques dont l’interdiction de causer des maux superflus ou des souffrances inutiles, le principe de distinction entre civils et combattants et l’interdiction d’employer des moyens de guerre de nature à frapper sans discrimination. L’abandon de ces principes du droit international humanitaire et des obligations de la Convention d’Ottawa en raison de la menace d’un conflit armé est incompatible avec leur but humanitaire.

Un appel à l’action

Dans ce contexte alarmant, il est essentiel de réaffirmer l’interdiction des mines antipersonnel et d’empêcher toute tentative de retour en arrière. La Croix-Rouge de Belgique soutient l’appel du Mouvement demandant instamment à tous les États de respecter leurs engagements et de continuer à œuvrer en faveur d’un monde exempt d’armes aux effets inacceptables. Plus particulièrement, l’universalisation et la mise en œuvre effective de la Convention d’Ottawa doivent être davantage encouragées.

La Journée internationale de sensibilisation au problème des mines est l’occasion de rappeler qu’un monde sans mines est possible. Mais un tel objectif réitéré en 2024 par les Etats à la 5e Conférence d’examen de la Convention d’Ottawa, nécessite une vigilance et une action collective. Il appartient à chacun de refuser toute légitimation de ces armes inhumaines et de défendre les principes fondamentaux du droit international humanitaire.

Pour en savoir plus sur le sujet : Cinquième Conférence d’examen des Etats parties à la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel – Le Droit International Humanitaire