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Le Droit International Humanitaire

Diffuser le DIH auprès du personnel sanitaire

En tant qu’auxiliaire des pouvoirs publics, la Croix-Rouge de Belgique a pour mission d’assister la Belgique dans son obligation de respecter et de faire respecter le droit international humanitaire (DIH). Parmi les mesures de mise en oeuvre du DIH figure la diffusion du DIH. Si l’ensemble de la population est potentiellement concernée par cette diffusion, le personnel sanitaire représente un public cible à part entière étant donné que sa protection en temps de conflit armé contribue in fine à celle des blessés et des malades et garantit à ces derniers un accès sûr aux services de santé.

Obligation de respecter et de faire respecter le DIH

Tous les Etats ont l’obligation de respecter et de faire respecter le DIH. Prévu par l’article 1er commun aux Conventions de Genève et l’article 1er de leur Premier Protocole additionnel, et reconnu par la coutume internationale (Règles 139 et 144 de l’Etude du CICR sur le DIH coutumier), ce devoir va au-delà du simple respect du DIH par l’abstention de commettre des violations de cette branche du droit. Il impose aussi à chaque État de veiller à son application concrète dans les faits. Les États disposent toutefois d’une certaine liberté concernant les moyens de mise en œuvre de l’obligation de faire respecter qui comprend un volet réactif (sanctions des violations) et préventif (mesures de prévention). Par ailleurs, selon le Comité International de la Croix-Rouge (CICR), l’engagement de l’Etat de faire respecter le DIH revêt à la fois une dimension interne : veiller au respect du DIH par ses propres forces armées, les autres organes étatiques et la population sous son autorité, et une dimension externe : faire tout ce qui est raisonnablement en son pouvoir afin de faire respecter le DIH par les parties aux conflits armés dans lesquels il n’est pas impliqué. Cette dimension externe suscite une obligation négative (abstention d’encourager des violations ou d’aider les parties dans ce sens) et positive (adoption et mise en place de mesures raisonnables pour prévenir et faire cesser les violations du DIH).

Si la portée de l’obligation de faire respecter le DIH par les autres parties à un conflit armé est sujette à d’importants débats, le devoir des Etats de faire respecter le DIH dans sa dimension interne et d’œuvrer dès le temps de paix pour en prévenir les violations en cas de conflit armé est bien établi. Dans cette optique, les Etats doivent adopter une série de mesures législatives, réglementaires et pratiques qui sont nécessaires pour le respect effectif du DIH : traduction des Conventions de Genève et de leurs Protocoles additionnels, incorporation du DIH dans le droit national, sensibilisation et diffusion générale auprès de la population civile, instruction et formation des autorités et des professionnels directement concernés, mise à disposition de conseillers juridiques au sein des forces armées et instruction de leurs membres, etc.

La diffusion pour une meilleure application

Partant du principe que, pour respecter le droit, il faut le connaître, la prévention des violations du DIH passe avant tout par la diffusion de ses normes qui doivent être comprises et intégrées dans les comportements des groupes cibles et dans les doctrines et processus décisionnels militaires. L’appropriation par la population est également importante en vue de favoriser l’émergence d’une culture et d’un environnement propices au respect du DIH. Les Conventions de Genève et leurs Protocoles additionnels engagent ainsi les Etats parties à diffuser leur contenu le plus largement possible en temps de paix comme en période de conflit armé. La sensibilisation et la formation adéquate des personnes chargées d’appliquer ou de faire respecter le DIH sont donc essentielles pour garantir la mise en œuvre et le respect effectif du DIH dans les conflits armés. C’est la raison pour laquelle le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge se mobilise activement pour promouvoir la diffusion, la sensibilisation et la formation au DIH .

Alors que le CICR travaille à la diffusion du DIH au niveau international et à son application fidèle dans les conflits armés, les Sociétés nationales ont pour mission d’assister leurs autorités respectives dans leur obligation de diffuser le DIH à l’échelle nationale. La Croix-Rouge de Belgique (CRB) et l’Etat belge jouissent ainsi d’une relation de partenariat spécifique et unique en son genre, la CRB agissant en sa qualité d’auxiliaire des pouvoirs publics dans le domaine humanitaire, tout en préservant son indépendance. Sur la base de ce mandat reflété dans ses statuts, la CRB est devenue un acteur majeur et central de la diffusion et de la promotion du DIH en Belgique.

Des formations en DIH à destination des professionnels de la santé

Le personnel sanitaire joue un rôle indispensable pour protéger la vie et la dignité humaine dans les situations de conflits armés. La protection des blessés et des malades est au cœur de la naissance du DIH et fait l’objet des deux premières Conventions de Genève de 1949. Afin de garantir l’accès sûr aux soins de santé et le traitement adéquat des blessés et malades, le DIH porte une attention particulière à la protection du personnel de santé et de leurs moyens de travail.

Le DIH contient ainsi une série de dispositions visant à renforcer la protection et le respect effectif du personnel médical, du matériel, des infrastructures et des moyens de transport sanitaires. Certaines obligations concernent les parties belligérantes et particulièrement les États, telles que : la protection des établissements et des infrastructures de santé par des signaux et des systèmes d’identification adéquats (notamment par l’apposition de l’emblème) ainsi que par un emplacement approprié et éloigné des objectifs militaires ; le respect et le soutien du travail du personnel de santé ; l’obligation de permettre et de faciliter les opérations de secours ; la protection des véhicules et aéronefs sanitaires ; l’interdiction d’entraver le passage du personnel sanitaire ou l’accomplissement de leurs tâches ; l’interdiction de toute atteinte à l’intégrité physique et à la dignité des membres du personnel sanitaire ou encore l’interdiction de punir toute personne pour avoir exercé une activité de caractère médical conforme à la déontologie médicale.

Malgré ces dispositions protectrices, la triste réalité est que les professionnels de la santé sont depuis longtemps et régulièrement la cible de nombreux actes de violence et d’intimidation (attaques directes et enlèvements des membres du personnel sanitaire ou de leurs patients, destructions et pillages de structures médicales, attaques de véhicules sanitaires, etc.). Le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge tente d’adresser ce problème par l’initiative « soins de santé en danger » lancée il y a une dizaine d’années . Dans le contexte de cette initiative, la CRB a pris avec la Belgique des engagements lors de la 33e Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge de 2019 pour renforcer le cadre juridique national en matière de protection des soins de santé dans les conflits armés et autres situations d’urgence et pour encourager la formation du personnel sanitaire militaire et civil.

La Croix-Rouge de Belgique en tant qu’acteur majeur de la diffusion au niveau national

La CRB se mobilise ainsi au niveau national afin de renforcer la diffusion et la sensibilisation aux règles de DIH, en formant les personnes amenées à les appliquer ou à les faire respecter. Dans ce cadre, elle organise des formations à destination des membres des forces armées belges, dont les officiers de la composante médicale, mais aussi des professionnels civils de la santé. S’il est en effet primordial que les parties belligérantes respectent et protègent le personnel sanitaire, il est indispensable que ce dernier connaisse ses droits et respecte lui aussi une série d’obligations afin de garantir sa protection ainsi que celle des blessés et malades. S’il a l’accord des autorités compétentes, le personnel de santé doit par exemple faire un usage approprié des emblèmes protecteurs de la croix rouge et du croissant rouge en cas de conflit armé. Il ne peut par ailleurs participer aux hostilités ou commettre des actes nuisibles à l’ennemi, ce qui implique notamment qu’il ne peut entreposer des armes dans les structures sanitaires, abriter ou transporter des combattants valides, à défaut de quoi il risque de perdre la protection accordée par le DIH. Les professionnels de la santé ont également le devoir de traiter les malades et blessés avec humanité, sans distinction autre que leur état de santé et, par conséquent, indépendamment de leur appartenance à l’une ou l’autre partie au conflit.

Si ces droits et obligations paraissent essentiels, leur portée n’est pas toujours claire et connue des professionnels de la santé. En conséquence, la CRB vise à renforcer leurs connaissances en DIH, en leur offrant des formations adaptées tout en tenant compte des réalités du terrain et des difficultés qu’ils rencontrent. Bien qu’il n’existe actuellement pas de conflit armé en Belgique, la diffusion du DIH auprès du personnel de santé contribue à la prévention de ses violations en temps de guerre. La CRB tend par ailleurs à former le personnel sanitaire militaire et civil qui est amené à travailler à l’étranger, potentiellement dans des situations de conflits armés. La CRB donne ainsi régulièrement des formations au personnel de Médecins du Monde ou encore aux étudiants de l’Institut de Médecine Tropicale.

En tant qu’acteur majeur de la diffusion et de l’instruction du DIH au niveau national, la CRB contribue donc au renforcement du respect et de l’application concrète du DIH, tout en encourageant chacun à devenir un acteur de sa mise en œuvre et de son respect sur le terrain.

Un article rédigé par Graziella Fourez– Référente pour la diffusion du droit international humanitaire Croix-Rouge de Belgique – Communauté francophone