Vers davantage d’inclusion dans nos activités de sensibilisation au DIH
Avec son nouveau programme qui débute en 2022, la Croix-Rouge de Belgique souhaite élargir le public touché par ces activités de sensibilisation au respect de la dignité humaine en temps de guerre. Une initiative qui vise à inclure un public avec déficience visuelle voit le jour en province de Hainaut, l’adaptation de l’outil pédagogique Alec et Clea. Une première animation test s’est déroulée le 22 avril dernier.
Le fruit d’une nouvelle collaboration
Ce projet naît à la suite de plusieurs rencontres entre l’équipe de Hainaut Culture Tourisme – Secteur Education Permanente et Jeunesse et la coordination provinciale de projets d’Éducation à la Citoyenneté Mondiale de la Croix-Rouge de Belgique en province de Hainaut. L’objectif de faire émerger des CRACCS de Hainaut Culture Tourisme rencontre celui du service d’Éducation à la Citoyenneté Mondiale, à savoir sensibiliser les jeunes aux défis du monde d’aujourd’hui et les inciter à agir pour plus de justice, de solidarité et de dignité. Une opportunité de synergie était identifiée et il ne manquait plus qu’un projet commun.
Rapidement, Ariane Zielonka, animatrice forte de 20 ans d’expérience, notamment dans l’animation de publics avec déficiences visuelles a été force de proposition. Son attention s’est portée sur un de nos outils phares pour sensibiliser la jeunesse au respect de la dignité humaine en temps de guerre et de migration : Alec et Clea sur le chemin de la guerre.
Selon cette experte, il y avait là un grand potentiel d’adaptation pour arriver à l’animer dans un groupe mélangeant des personnes voyantes et des personnes non ou mal voyantes, peu importe l’âge. En quelques semaines, Ariane a revisité l’ensemble du jeu et a recréé de ses mains un matériel spécifiquement adapté. Elle a notamment conçu plusieurs plateaux de jeux aimantés, complétés d’une partie en bois en trois dimensions, agrémentés de textures selon les besoins propres à toutes les étapes du jeu. Chaque détail a été minutieusement ajusté et vient ainsi soutenir l’objectif de la sensibilisation visé par la Croix-Rouge de Belgique autour des limites de la guerre.
Les personnes porteuses de handicap, public rarement ciblé ?
De nombreuses études universitaires déplorent les obstacles auxquelles les personnes porteuses de handicap doivent faire face au quotidien et tout au long de leur vie pour accéder équitablement à un ensemble de lieux, de services et d’information. Les nouvelles technologies ne sont pas non plus toujours ajustables pour toutes et tous. Il résulte de ces manques d’adaptations une exclusion de ces personnes au lieu d’une plus grand autonomisation, confirmée par UNIA.
Le secteur de l’éducation est également concerné. Aux côtés de nos collègues d’autres organisations de la société civile actives en ECMS (Éducation à la Citoyenneté Mondiale et Solidaire), nous constatons que, sur le terrain, les personnes porteuses de handicap constituent un des publics délaissés par l’offre d’animation et la mise en projet. Cette première expérience d’adaptation de nos outils en collaboration avec Ariane est donc une étape inédite et pourtant essentielle dans nos activités de diffusion du droit international humanitaire (DIH), et ce, à plus d’un titre.
La Croix-Rouge de Belgique, en tant que société nationale, suit de près la stratégie du Mouvement International de la Croix-Rouge qui vise notamment la protection, l’inclusion et l’égalité de genre dans toutes ses activités venant en aide aux personnes les plus vulnérables. En effet, « fournir des services inclusifs signifie donner à toutes et tous un accès équitable aux ressources ». L’inclusion a pour objectif de « faciliter l’accès universel aux possibilités et aux droits en traitant, en réduisant et en mettant un terme à l’exclusion, la stigmatisation et la discrimination ». Cette approche inclusive se doit donc de prévaloir dans toutes nos activités de diffusion du DIH auprès des différents publics et en l’occurrence ici des personnes avec déficience visuelle.
Enfin, en élargissant et incluant de la sorte des publics diversifiés et jusque-là peu touchés par nos activités, la Croix-Rouge de Belgique témoigne de sa volonté de « ne laisser personne pour compte », conformément à la promesse de transformation au cœur des Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies. Le concept d’inclusion est en effet bien ancré dans le cadre normatif de l’ONU qui découle entre autres des exigences internationales en matière de protection des droits humains.
Sortir de l’entre soi
Dans le sillage de cette démarche inclusive, l’expérience d’Ariane Zielonka a mis en évidence l’importance de sortir de l’entre-soi. Une attention particulière a donc été donné pour adapter l’animation pour un public mixte, c’est-à-dire mélangeant des personnes non ou mal voyantes avec des personnes voyantes, comme cela se produit tout simplement dans la vie quotidienne. De plus, pour dépasser le rapport potentiellement hiérarchique de personne aidante (voyante) à personne aidée (porteuse de handicap), certaines activités du jeu s’effectuent de sorte que ce soient les personnes mal ou non voyantes qui viennent en aide aux personnes voyantes, par exemple, lors d’un défi où il faut décoder un mot inscrit en braille.
Un premier test de cette animation adaptée et co-animée avec Ariane s’est tenu en avril 2022. Celui-ci a récolté, à l’unanimité du groupe de participant.e.s, des retours très positifs, autant sur la qualité du déroulé d’animation de la Croix-Rouge de Belgique que sur les supports matériels manipulés adaptés par Ariane. Les participant·es sont très vite rentré dans l’univers du jeu et ont pris part activement aux discussions autour des conséquences des conflits armés sur la dignité humaine.
L’un des participants, Yann (51 ans), encadrant du groupe mixte invité et lui-même non voyant depuis l’âge de 21 ans, nous a accordé un entretien plus approfondi sur son vécu de l’animation proposée en lien avec son parcours personnel, professionnel et son expérience du handicap dans le monde associatif :
« L’animation proposée est selon moi bien différente des jeux auxquels les aveugles peuvent jouer d’habitude. (…) De tout ce que j’ai pu vivre dans le secteur du handicap, c’est la première fois que je vois abordé le thème de la guerre. Or, une personne handicapée, même si elle n’y participera pas à cause de son handicap, car le système est comme ça, elle pourra quand même subir la guerre… (…) J’ai beaucoup apprécié l’humanisme du jeu et je l’ai trouvé très riche. J’ai réalisé la difficulté d’être humaniste dans la complexité de la guerre. Ce n’est pas si simple et on côtoie notre côté primaire et animal. Ce jeu m’a apporté de la réflexion et m’a remis aussi en doute sur mon humanisme. (…)
Dans le milieu du handicap on n’aborde pas suffisamment la guerre et les enjeux politiques en général … les personnes porteuses de handicap se sentent souvent peu investies par le politique et dans leur citoyenneté (…) Ici ce jeu m’a fait me questionner sur ce que c’est la guerre, il m’a fait réaliser qu’il y avait des choses interdites par le droit international et ça raisonnait beaucoup avec la situation en Ukraine. (…) J’ai observé qu’il y a aussi eu des vrais apports théoriques pour les participants, comme sur le sujet des mines antipersonnel par exemple (…).
Durant cette interview, Yann confirme toute l’importance d’organiser des activités en présentiel qui permettent de sortir de l’entre-soi, de recréer du lien et des échanges humains (entre personnes porteuses de handicaps et personnes non handicapées), de créer de vraies activités inclusives ! Tout comme Ariane, Yann a souligné l’utilité sociale de ces rencontres autour de la thématique du respect de la dignité humaine en temps de guerre, qui constituent avant tout des échanges humains et une forme de re-socialisation après la crise de la Covid19, crise qui a davantage isolé les personnes porteuses de handicap.
Une première expérience stimulante
Cette riche première expérience issue d’une collaboration reposant sur une expertise externe s’annonce prometteuse sur plusieurs aspects.
Tout d’abord, un élargissement possible du public touché par les animations de sensibilisation aux bases du DIH. En effet, pour faire connaître et faire vivre l’outil adapté, l’animation sera proposée à des écoles mixtes et à des organismes spécialisés en Province de Hainaut. Il est également prévu que les volontaires de la Croix-Rouge de Belgique animateur·trices en éducation à la citoyenneté mondiale qui le souhaitent se forment à l’usage de cet outil et à la démarche adéquate adaptée aux personnes déficientes visuelles.
Ensuite, une adaptation d’autres outils pédagogiques pour le public déficient visuel. Un prochain échange de sensibilisation sur le thème « Exil, migration et vivre ensemble » sera organisé pour un groupe mixte (voyant et non ou mal voyant) à la fin du mois d’août au Comité Provincial de Nimy, toujours en collaboration avec Ariane de l’équipe de Hainaut Culture Tourisme – Secteur Education Permanente et Jeunesse.
Enfin, plus de personnes conscientisées à l’approche inclusive. Ariane Zielonka organisera une journée de sensibilisation à l’animation d’un public déficient visuel à destination d’une équipe de salarié·es de la Croix-Rouge œuvrant dans des animations et des sensibilisations sur divers thèmes (les premiers soins, la migration et l’accueil des demandeurs·euses de protection internationale et le DIH) en novembre 2022 dans les locaux de Hainaut Culture Tourisme à Saint-Vaast.
Même s’il reste du chemin à parcourir, la Croix-Rouge de Belgique s’efforce au travers de cette collaboration inédite avec Hainaut Culture Tourisme – Secteur Education Permanente et Jeunesse d’amorcer dans ses activités de diffusion du DIH un élan respectueux des principes du Mouvements et des valeurs de la Croix-Rouge de Belgique que sont entre autres l’équité, l’égalité et le respect de la diversité de notre société. La première pièce vient d’être posée et déjà de belles perspectives se dessinent pour un monde plus juste, plus humain et davantage inclusif.
Si l’animation adaptée aux personnes avec déficience visuelle vous intéresse, veuillez contacter : ecm@croix-rouge.be