Journée internationale des enfants soldats
Le 12 février, Journée internationale de lutte contre l’utilisation des enfants soldats, la Croix-Rouge de Belgique a participé à une grande soirée de sensibilisation organisée par l’association WAPA (War-Affected People’s Association), avec le soutien de la plateforme WING (War Is not a Game). Cet événement s’est déroulé sur la scène du 140 à Bruxelles et a été retransmis en direct sur les réseaux sociaux. Au programme, témoignages d’experts, performances musicales et images de terrain se sont succédés pour offrir au public un moment de réflexion et de culture sur une thématique complexe qui peine trop souvent à faire parler d’elle et à mobiliser l’opinion.
Visionnez l’intégrale de la soirée en cliquant ici ou découvrez ci-dessous un compte-rendu qui résume les éléments abordés lors des débats !
Le mythe de l’enfant à la kalachnikov
Dans la plupart des conflits armés à travers le monde, on retrouve des enfants qui prennent les armes et qui se battent à proprement parler, mais aussi d’autres qui sont utilisés par les forces ou groupes armés comme cuisiniers, espions, porteurs, messagers, bouclier humain, esclaves sexuels, … Au-delà des images préconçues, la notion d’enfants soldats recoupe donc un phénomène beaucoup plus complexe et c’est la raison pour laquelle les Principes de Paris (adoptés en 2007) recommandent d’utiliser le terme d’enfant associé à une force ou à un groupe armé, plutôt qu’enfant soldat, pour parler du recrutement ou de l’utilisation de ces filles et de ces garçons âgés de moins de 18 ans, quelle que soit la fonction qu’ils sont amenés à exercer et sans se limiter à la participation aux hostilités.
Les enfants soldats, victimes ou bourreaux ?
Si certains enfants font le choix de rejoindre une force ou un groupe armé, d’autres sont contraints ou enlevés à leur famille et subissent un endoctrinement qui les pousse à rompre les liens avec leur vie passée, devenant malléables et corvéables à merci. Fuyant bien souvent des situations de précarité économique ou de violence domestique, l’engagement des enfants soldats, même s’il est parfois consenti, relève rarement de leur choix propre, ce qui rend encore plus explicite leur statut de victime et s’ils sont devenus des bourreaux par la force des choses, c’est avant tout par réflexe de survie. Dès qu’ils sont recrutés, les forces ou groupes armés profitent de l’influence qu’ils peuvent exercer sur les enfants et de leur manque de capacité de discernement, pour leur faire exécuter des actes de violence que ne commettrait pas forcément un adulte. Cependant, étant donné que ces actes peuvent constituer des crimes de guerre, les enfants seront, malgré leur âge, considérés comme des bourreaux par leurs victimes et leur communauté.
Les enjeux de la réinsertion
Même lorsque le conflit est terminé, les victimes ne disparaissent pas et lorsqu’un conflit persiste dans le temps, les enfants soldats qui ont été démobilisés courent le risque d’être recrutés à nouveau. C’est la raison pour laquelle l’expérience d’enfant soldat peut entraîner des séquelles extrêmement variables d’un individu à l’autre, avec le point commun de laisser ces enfants dans une extrême vulnérabilité. Malheureusement, ils ne bénéficient que trop rarement d’une assistance pour les aider à se reconstruire et encore moins de réparation, y compris pour leurs familles, suite à des procès qui peuvent durer des années. La réinsertion des enfants soldats est un processus holistique complet qui doit permettre un retour à la vie civile et qui inclut tant la scolarisation, que la préparation à un métier, l’attention portée au préjudice transgénérationnel, le travail sur la confiance en soi ou la restauration des liens familiaux et le lien avec la communauté.
Les enfants protégés par le DIH contre le recrutement
Le droit international humanitaire (DIH) protège les victimes des conflits armés et à ce titre, les Conventions de Genève de 1949 et leurs deux protocoles additionnels de 1977 protègent les personnes qui ne participent pas aux conflits, dont évidemment les civils. Dans ce cadre, les enfants ont droit à une protection spécifique, qui comprend entre autres, la protection contre toute forme d’attentat à la pudeur, l’accès à des soins de santé adéquats, à de la nourriture, à la préservation de leur identité, à l’éducation et au regroupement familial, puisque le DIH requiert que l’unité familiale soit préservée par les belligérants en cas de conflit armé. Par ailleurs, le recrutement et la participation aux hostilités des enfants de moins de 15 ans sont interdits selon les Protocoles additionnels aux Conventions de Genève. Depuis lors, le Protocole facultatif de 2000 à la Convention relative aux droits de l’enfant a élevé à 18 ans, l’âge de recrutement et de participation aux hostilités. Si l’enfant participe malgré tout aux hostilités, il continue à bénéficier de la protection spécifique qui lui revient lorsqu’il tombe au pouvoir de l’ennemi. En revanche, durant toute la période de sa participation aux combats, l’enfant n’est plus protégé spécifiquement sur le champ de bataille et il devient en tant que combattant, une cible légitime en vertu du DIH
Mettre fin à l’impunité
La Cour pénale internationale (CPI) est habilitée à rendre des jugements notamment dans le cadre du recrutement d’enfants de moins de quinze ans dans les forces armées ou groupes armés et de leur participation active aux hostilités. Selon son statut (adopté en 1998), ces deux actes sont constitutifs de crimes de guerre et sont donc passibles de sanctions pénales. D’un point de vue juridique, les Nations Unies, quant à elles, ne peuvent poursuivre les personnes, forces ou groupes qui recrutent des enfants soldats. Cependant, depuis 1996, a été créé un poste de représentant spécial du Secrétaire général dédié à la question des enfants et des conflits armés. Cette fonction sert à lutter contre le recrutement, mais aussi à documenter d’autres violations commises contre des enfants dans les conflits armés : meurtres et mutilations, enlèvements, violences sexuelles, déni d’accès humanitaire et attaques contre les écoles ou les hôpitaux. L’objectif est de fixer l’attention sur ces problématiques, de renforcer la protection et de contribuer à rassembler les différents acteurs qui travaillent sur la question. A ce titre, un rapport est publié chaque année sur le sort des enfants en temps de conflit armé, contenant des listes de groupes ou forces armées qui se livrent entre autres au recrutement ou à l’utilisation d’enfants soldats. Lorsqu’une force ou un groupe armé apparaît dans cette liste noire, cela déclenche un mécanisme de monitoring et de reporting mis en place par le Conseil de sécurité des Nations Unies dans le pays en question et ce, pour toutes les parties au conflit.
Que peut-on faire en Belgique ?
Pourquoi sommes-nous concernés en tant citoyen·ne belge alors que les conflits qui impliquent des enfants soldats se déroulent loin de notre territoire ? Tout simplement parce que notre pays est intimement lié à des situations de conflits dans le monde, lorsque, par exemple, ceux-ci sont liés à l’exploitation de matières premières qui servent à la fabrication de nos téléphones portables,que des armes produites en Belgique se retrouvent sur les terrains de conflits au Moyen-Orient ou que des enfants belges sont déplacés dans le cadre du conflit en Syrie. Certes, la Belgique est déjà activement impliquée dans la lutte contre l’utilisation d’enfants soldats dans les conflits armés, à travers son adhésion aux traités cités plus haut. Mais, en tant membre du Conseil de sécurité des Nations Unies pour encore une année et en tant que présidente de surcroît du groupe de travail sur les enfants dans les conflits armés, la Belgique peut continuer à entreprendre des actions pour faire avancer les choses sur le plan international. Les membres de la plateforme WING, dont la Croix-Rouge de Belgique, continueront à offrir leur soutien à la Belgique dans ses actions diplomatiques en faveur d’un meilleur respect des droits des enfants affectés par les conflits armés. Créée en 2019, la plateforme poursuivra ses objectifs : prévenir et mettre fin au recrutement d’enfants dans les forces et groupes armés et leur participation aux hostilités, via des actions de plaidoyer auprès des décideurs politiques ; soutenir des programmes de désarmement, de démobilisation et de réinsertion des enfants soldats ; sensibiliser l’opinion publique à la problématique des enfants soldats ; mener des recherches afin d’avoir une réalité chiffrée sur la situation des enfants soldats dans le monde, ce qui lui permettra d’alimenter ses activités de plaidoyer et de sensibilisation.
Le 12 février est devenu la Journée internationale contre l’utilisation des enfants soldats, cette date correspondant à l’entrée en vigueur en 2002 du protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication des enfants dans les conflits armés.