Les femmes et la guerre
Si la guerre et la violence, aujourd’hui, n’épargnent personne, les femmes jouent, volontairement ou non, un rôle de plus en plus actif lors des hostilités. Qu’elles portent l’uniforme militaire, qu’elles rendent visitent à des proches détenus, qu’elles assument la sécurité économique de leur famille ou qu’elles jouent un rôle actif en participant à la consolidation de la paix et à la reconstruction sociale, les femmes vivant dans des contextes de conflits armés font quotidiennement la preuve de leur résilience.
Stéréotypes et idées reçues
En situation de conflit, les femmes ne constituent pas un groupe homogène. Elles vivent la guerre de multiples façons, en tant que victimes, combattantes ou artisanes de la paix. Bien qu’elles soient souvent présentées comme telles, les femmes ne sont pas plus vulnérables que les hommes en tant que telles. Il serait trop simpliste d’évaluer la vulnérabilité en se fondant sur des stéréotypes. Les conflits armés amènent parfois les hommes et les femmes à jouer des rôles ne correspondant pas à ceux qu’ils·elles « devraient » jouer selon des présupposés sexistes. Par exemple, les hommes ne prennent pas toujours les armes, ils peuvent aussi faire partie de la population civile. À l’inverse, les femmes peuvent également prendre part aux hostilités. On a d’ailleurs vu des femmes soldates commettre des actes violents ou inciter d’autres personnes à en commettre et elles se sont révélées parfois plus cruelles que leurs homologues masculins.
Des dangers multiples
La violence sexuelle est une des violations de leurs droits les plus traumatisantes mais aussi les plus courantes que subissent les femmes en période de conflit armé. Cependant, la prévalence de la violence sexuelle lors des conflits armés a longtemps été sous-estimée et ce n’est que récemment que cette violence a été reconnue comme un phénomène largement répandu et une méthode de guerre effroyable. Par ailleurs, dans certaines cultures, les femmes n’ont le droit de voyager que si elles sont accompagnées de leur mari ou d’un homme de la famille et n’ont pas les documents d’identité personnels nécessaires pour passer les postes de contrôle ou les frontières internationales. Suite à un déplacement forcé de population, elles peuvent ainsi se retrouver bloquées, harcelées ou soumises à des fouilles corporelles humiliantes. Comme toute personne déplacée, les femmes peuvent se retrouver dans des camps où elles doivent assumer toutes les responsabilités quotidiennes que suppose leur survie et celle de leur famille, ce qui prend une part énorme de leur temps et de leur énergie. Loin de leur région d’origine et de leurs traditions, leur existence devient alors une expérience extrêmement traumatisante, entrainant une perte d’identité et de statut.
Les épreuves de la guerre
Pour des centaines de milliers de femmes, une des conséquences les plus terribles d’un conflit armé est la douloureuse et interminable attente de nouvelles de leurs proches. La grande majorité de ceux qui disparaissent ou sont tués étant des hommes, la responsabilité douloureuse d’essayer d’élucider leur sort et de savoir où ils se trouvent retombe sur les femmes de la famille. Lorsque les disparus étaient soutiens de famille, les épouses et les mères doivent alors trouver des moyens de subvenir aux besoins du foyer et n’ont souvent d’autre perspective qu’une vie de pauvreté. Beaucoup n’ont ni métier, ni source de revenu pour subvenir aux besoins de ceux qui sont à leur charge. De plus, leur statut juridique n’est pas clair, car elles ne sont plus des épouses tout en n’étant pas encore reconnues veuves.
Les femmes au chevet des plus vulnérables
Les conflits armés accroissent le besoin de soins de santé, tout en rendant ces soins plus difficiles à obtenir. La saturation des systèmes de santé et les pénuries de matériel et de personnel mettent en danger la vie des civils et touche en particulier les femmes et les enfants. Pour toutes les femmes, les soins de santé génésique (soins prénatals, obstétricaux, …) sont essentiels et l’indisponibilité de ces services peut avoir des conséquences graves. Quand les services de santé sont saturés ou indisponibles, les femmes jouent un rôle vital dans le maintien de la santé et du bien-être de leur famille et des membres de leur communauté, que ce soit grâce à leur pratique ou à un savoir-faire qualifié. Ce rôle de prévention et de gestion de la maladie devient primordial lorsque l’accès aux soins de santé est limité.
Le choix des armes
Aujourd’hui, les femmes sont plus nombreuses à s’engager volontairement, tant au sein de forces armées gouvernementales qu’au sein de groupes armés, et jouent un rôle accru dans les opérations militaires de combat et d’appui. Ainsi, aux États-Unis, environ 15 % de l’effectif des forces armées est constitué de femmes. Bien que les femmes assument surtout des rôles d’appui, elles se révèlent aussi extrêmement utiles dans la lutte armée. Parce qu’elles sont perçues comme étant inoffensives et éveillent moins de soupçons, elles peuvent être choisies de préférence pour transporter des munitions, récolter des renseignements ou commettre un attentat-suicide. Certaines femmes entrent dans des groupes armés entièrement contre leur volonté, parfois après avoir été enlevées pour devenir des esclaves sexuelles, faire la cuisine ou le nettoyage dans les camps. Lorsque les combats s’arrêtent, les femmes impliquées dans la lutte armée ont souvent du mal à retourner à la société civile. Le rejet par la communauté pour avoir transgressé les rôles assignés aux femmes et les valeurs traditionnelles féminines est l’un des plus grands obstacles au succès de leur réintégration.
Une réponse adaptée en matière de genre
La protection des femmes en temps de guerre est consacrée par le droit international humanitaire (DIH) , qui lie aussi bien les États que les groupes d’opposition armés. Le DIH, qui protège les femmes en tant que personnes civiles et en tant que combattantes capturées ou blessées, prévoit en outre un régime de protection spécial pour elles dans les situations de violence. Bien que n’étant pas suffisamment respecté et mis en œuvre à l’heure actuelle, le DIH demeure pertinent pour répondre aux défis rencontrés par les femmes en temps de guerre. Par ailleurs, dans sa réponse opérationnelle, la Croix-Rouge s’efforce d’intégrer les besoins et les perspectives des femmes et des filles dans toutes ses activités et, lorsque c’est nécessaire, de créer des programmes distincts pour répondre à leurs besoins spécifiques. En acquérant une compréhension plus fine et plus complète des rôles, responsabilités et expériences des femmes comme des hommes, elle peut répondre plus adéquatement à leurs besoins en période de conflit armé.
Source : Publication « Les femmes et la guerre », Comité international de la Croix-Rouge, 2015